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6 janvier 2009 2 06 /01 /janvier /2009 20:04

   D’avril à août avait lieu à Düsseldorf (Au NRW-Forum) l’exposition « radical advertising ». Celle-ci avait pour ambition de présenter ce qu’elle appelait donc la publicité radicale depuis le début des années 90. Or ce qualificatif est très peu, voire jamais usité par les théoriciens, publicitaires etc. Ce qui ferait du NRW-Forum et de son commissaire d’exposition (Hermann Vaske) d’éventuels précurseurs. L’idée de cette exposition était d’envisager une approche radicalement différente de la publicité, au sens où elle réinterrogeait complètement les principes de base du milieu. La brochure stipulait « La publicité radicale n’a depuis longtemps plus rien à voir avec les réclames inoffensives des décennies précédentes, lesquelles vantaient simplement le produit. Elle est aujourd’hui une industrie à part entière qui provoque et qui, comme l’art actuel, sonde les brèches sociétales, les tabous et les changements de valeurs. Pour cela elle travaille de plus en plus avec des moyens surprenants et apparaît à des endroits inattendus ».  

Petit tour d’horizon de quelques artistes / collectifs / mouvements représentés à l’exposition (Attention, les photos ne sont pas obligatoirement issues de l’expo).

Les années 90 ont été rythmées par des campagnes de pubs qui ont marqué les esprits : celles de Benetton et celles de Diesel. Nous avons encore tous en tête certaines de ces affiches :

























Avec pour slogan "United color of Benetton", ces campagnes publicitaires sont sans équivoque. Elles ont aussi le mérite d'être choquantes, voire de transgresser les tabous (ce qui en soi peut être vu comme choquant). Les campagnes Diesel ont davantage flirté avec le cynisme, l'ironie mais aussi avec la transgression.






1991: Campagne de pub "Comment mener une vie équilibrée". Ici, affiche incitant à fumer. D'autres incitaient à augmenter ses rapports sexuels, ou encore à acheter et manier les armes.











1995: Le même agence de pub (Paradiset DDB) récidive, cette fois avec le slogan "comment devenir un vrai homme"

Campagne de Pub pariodant les affiches publiciatires des années 50. La production de masse s'accompagne d'une consommation de masse, que l'on ne cesse de vanter comme source de bonheur perpétuel et croissant (rêve américain etc.). Cette vision des choses ayant légèrement flétrie (quoique), la marque Diesel s'en empare pour créer une campagne avec pour slogan "For a successful living". (Pour une vie pleine de succès).

Sur l'affiche, nous pouvons lire "The family who prays together, stays together" (La famille qui prie ensemble reste soudée).  

Mais ces campagnes de publicités ont perdu de leur aura. Elles ne choquent plus, elles ne surprennent plus, elles ne transgressent plus les tabous: elles sont devenues monnaie courante. L'exhibition du désespoir, à l'image de Benetton, semble trop calculée. Toscani a pourtant récidivé récemment avec l'anoréxique Isabelle Caro:

Donc l'heure n'est plus vraiment à l'image-choc: même s'il s'agit d'un procédé toujours utilisé, celui-ci s'essouffle considérablement. Les publicitaires se rapprochent toujours plus des sphères artistiques pour élaborer des nouveautés, tant esthétiques que matérielles. L'utilisation de la pub par les artistes n'étant pas nouvelle - Wahrol en est un des symboles - les publicitaires envisagent depuis peu leur support de manière nouvelle. Ils se sont en effet apperçus que ces supports avaient bien d'autres facettes et de potentialité (toujours démontré par les artistes) que de simplement faire les louanges d'un produit:

  "Girl with cake" de Jeff Koons est une simulation d'affiche publicitaire dans laquelle il se met en scène à la fois comme produit et comme star. 














"Sans titre "cowboy" " photographie de Richard Prince, l'inventeur de l'"appropriation": il reprend une célèbre pub marlboro pour en faire une oeuvre. Pour les uns, il ne s'agit que d'un vol, pour les autres il s'agit au contraire de réinterroger les perceptions culturelles.

Pour l'anecdote, Prince a présenté en 2008 la nouvelle collection de sac Louis Vuitton.




De nos jours, la subtilité est de mise. Les campagnes de pub pour la marque "Comme des garçons" (Officie dans le domaine de la mode) de Rei Kawakubo se veulent être des campagnes fashion anti-fashion. Cela pourrait paraître paradoxal, il n'empêche que ces campagnes ont bouleversé l'establishement solidement ancré du microcosme de la mode. De plus, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de publicité et que tous les moyens sont bons pour attirer l'attention. Or, s'il est possible de jeter un pavé dans la marre, tout en développant une image esthétique de qualité (voire même une approche intellectuelle), pourquoi se gêner?













Il est d'autres énergumènes qui envisagent la provocation, la subversion, la surprise sous d'autres auspices: par exemple celui de faire passer un message d'une manière simple et peu onéreuse. C'est par exemple le concept de Guerilla-Marketing prôné par Jay Conrad Levinson, son créateur. Cette communication serait à la fois non conformiste et peu coûteuse. Nous pouvons lire sur son site: "It is a body of unconventionnal ways of pursuing conventionnal goals. It is a proven method of achieving profits with minimum money."



















Le Billboard Liberation Front est de ce point de vue très intéressant. Bien que le nom du collectif s'apparente à une officine anti-publicitaire terroriste, ces activistes militent pour des campagnes publicitaires moins moroses et moins ennuyeuses. "Les panneux publiciatires sont devenus aussi ubiquistes que la souffrance humaine, aussi difficiles à ignorer que la main tendue du mendiant. Chaque fois que vous quittez votre canapé, vous sevrant momentanément de votre cordon ombilical électronique, vous entrez dans leur champ d'influence. Chaque fois que vous conduisez une voiture, que vous entrez dans un bus ou assistez à un évènement sportif, vous recevez leurs instructions. vous ne pouvez vous échapper et vous ne pouvez vous cacher" écrit le BLF en introduction à leur guide pratique (The art and Science of billboard improvment). Voici quelques exemples de leurs actions:

Ici le jeu de mot Marlboro / To Bore (Ennuyer)

















Campagne de pub Johnny Walker. Silhouette dédoublée pour simuler le mouvement. Ici le collectif s'est contenté d'écrire "Drink yourself blind" (Buvez à en devenir aveugle). "Le politiquement correct exerce une pression sur le public pour qu'il boive raisonnablement. le BLF s'associe avec Johnny Walker pour défendre notre droit divin à consommer assez d'alcool pour causer des dommages neuronaux irréversibles" expliquait le collectif.


Modification d'une publicté ("Hit Happens") devenant "Shit Happens" orné du Logo d'Exxon; en référence aux marées noires. 

 

 

 

 

 


Enfin, voici quelques exemples du collectif Adbuster, qui se positionne lui, contre la consommation de masse:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces publicités radicales, qui à l'origine se sont développées en réaction à l'omniprésence des grandes marques, sont aujourd'hui accaparées par les campagnes publicitaires. Cela signifie certes que de plus en plus de firmes utilisent ce type de marketing, mais aussi - c'en est la conséquence - que le concept doit toujours se réadapter s'il veut conserver son statut.
C'est pourquoi les acteurs de l'exposition de Düsseldorf sont convaincus que l'avenir de la publicité radicale se situe dans le marketing social et la publicité éthique - par exemple, une publicité sans logo. Ce qui excluerait probablement une grande partie des marques. Mais pour combien de temps? Combien de temps sera nécessaire aux firmes pour créer leur propre image de marque identifiable et reconnaissable grâce à une esthétique sans logo?
Car le cynisme des marques et du marketing n'est plus à prouver: Cette exposition était  par exemple subventionnée par Nokia. La firme de téléphonie mobile jouissait par conséquent d'une publicité savamment orchestrée. Jusqu'ici, rien d'anormal, si ce n'est  qu'elle fermait simultanément son usine de Bochum (distant de 40km de Düsseldorf), mettant au chômage plusieurs milliers d'employés...
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